Entretien avec Anne-Lise Vinciguerra, Directrice de La Petite, réalisé par Jérôme Provençal, journaliste indépendant, dans le cadre de notre dossier « LA FORMATION PROFESSIONNELLE, UN ATOUT POUR LA CULTURE EN OCCITANIE ».
Pouvez-vous présenter votre structure ?
La Petite est une association toulousaine qui existe depuis 16 ans et a beaucoup évolué au fil du temps. Aujourd’hui, elle se focalise sur la question de l’égalité des genres dans le secteur culturel et créatif. Notre devise peut se formuler ainsi : Agir de manière positive, politique et festive pour l’égalité des genres dans le secteur culturel. Une part importante de notre activité s’adresse au grand public. En premier lieu, nous proposons tout au long de l’année des événements musicaux – majoritairement électro – dans des lieux atypiques (musées, cours intérieures, jardins, etc.) en programmant uniquement des artistes femmes, trans ou non-binaires. Nous allons aussi lancer bientôt un festival, dont la première édition va avoir lieu en novembre au Metronum. De plus, nous animons un média en ligne, via lequel nous diffusons chaque jour – sur Facebook et Instagram – le travail d’artistes artistes femmes, trans ou non-binaires œuvrant dans tout le champ de la création contemporaine. Toute notre programmation artistique se déploie sous l’intitulé Girls Don’t Cry.
Comment la formation professionnelle s’y inscrit-elle ? En quoi la réforme récente, initiée en 2018, change-t-elle la donne ?
Une autre part importante de notre activité concerne les professionnels et consiste précisément en diverses offres de formation. Ces modules de formation professionnelle sont accessibles de manière individuelle – pour les artistes ou les autres professionnels– ou sont conçus pour des structures culturelles qui souhaitent impulser plus d’égalité dans leur travail en interne et en externe. En outre, nous développons depuis deux ans un volet important de formations et d’accompagnements sur la question spécifique de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Nous travaillons avec un partenaire, le Théâtre du Grand-Rond, qui est organisme de formation professionnelle et qui supporte administrativement notre activité dans ce domaine. Pour le moment, la réforme n’a pas d’impact direct sur la Petite. Elle a été enclenchée en 2018, au moment où nous avons commencé à intervenir sur le terrain de la formation. Elle ne représente donc pas un changement de cadre pour nous. Notre activité de formation a été élaborée sur la base des nouveaux critères.
De quelle manière la formation professionnelle se montre-t-elle utile dans la sphère des musiques actuelles ?
La formation professionnelle m’apparaît vraiment essentielle dans les musiques actuelles. Cette filière s’est structurée et professionnalisée en grande partie grâce à la formation. Les musiques actuelles s’apprennent et s’enseignent. Les artistes peuvent bénéficier non seulement de formations mais également d’accompagnements et de coachings qui leur permettent de toujours s’améliorer et de progresser. Malheureusement, les dispositifs d’accompagnement et de professionnalisation concernent à plus de 80% des hommes. La Petite s’emploie ainsi à renforcer la mixité de ce secteur, qui reste l’un des plus inégalitaires. Sur un plan plus général, en rendant tangibles les compétences professionnelles nécessaires pour travailler en tant qu’artiste dans les musiques actuelles, la formation contribue à déconstruire la notion illusoire de talent et tend à favoriser l’égalité des chances pour toutes les personnes qui souhaitent faire carrière dans ce secteur.
Qu’apporte la formation professionnelle au niveau des territoires ?
Tous et toutes doivent avoir accès à la formation professionnelle, sans subir de discriminations liées à leur lieu de vie ou à leur situation matérielle. A nos yeux, la formation constitue un des leviers essentiels d’activation du pouvoir d’agir et permet aux personnes de s’autodéterminer dans leurs choix de vie. C’est pourquoi La Petite a choisi la formation comme outil de transformation des pratiques du secteur pour plus d’égalité. Par ailleurs, nous proposons régulièrement des ateliers gratuits sur les territoires, notamment grâce à notre partenariat avec Occitanie en Scène sur le programme « Gardons le Rythme »
Comment percevez-vous l’avenir de la formation professionnelle ?
Selon moi, c’est une activité qui va se développer fortement. Le marché du travail est tel qu’il est devenu quasiment inconcevable d’envisager faire le même métier toute sa vie. De plus en plus de personnes sont pluriactives aujourd’hui. La formation professionnelle va sans doute devenir une étape obligée pour tout le monde, ou presque, chaque année. Elle va aussi s’appuyer davantage sur des initiatives individuelles et de la prise en charge individuelle. Par ailleurs, je pense qu’il faut continuer à proposer et défendre des formations de fond sur de longues durées. Encore faut-il disposer des moyens adéquats, ce que n’apporte pas forcément la réforme…
Pour aller plus loin : retrouvez les formations de La Petite sur leur site.