Entretiens avec
- Samuel Aubert, Rotation – festival Les Siestes,
- Benoît Chastanet, festival Ecaussystème,
- Leyla Koob, Métisète – festival Fiest’A Sète,
- Muriel Palacio, What The Fest ?! – festival Ex Tenebris Lux,
réalisés par Jérôme Provençal, journaliste indépendant, dans le cadre de notre dossier « LES FESTIVALS INDÉPENDANTS : DE QUOI PARLE-T-ON ? EN OCCITANIE ».
Pouvez-vous présenter votre festival ?
Samuel Aubert : Intitulé à l’origine Les Siestes électroniques, puis rebaptisé simplement Les Siestes, le festival est né en 2002 à Toulouse. Depuis, il se décline également ailleurs, notamment en Île-de-France et à Coimbra (au Portugal). Comme le changement de nom le suggère, la ligne artistique, d’abord focalisée sur l’électronique, s’est ouverte au fil du temps à d’autres esthétiques. Nous nous présentons comme un festival de musiques aventureuses car nous ne voulons pas nous définir par tel ou tel genre musical. Ce qui nous caractérise avant tout au niveau de la programmation, c’est la volonté d’inviter des musicien·ne·s qui s’attachent précisément à enfreindre les codes de leurs univers esthétiques et qui développent des pratiques expérimentales. Actuellement, l’équipe comprend trois salariés à temps partiel. Durant le festival à Toulouse, nous mobilisons environ 80 bénévoles.
Benoît Chastanet : Ecaussystème a été créé en 2003. Il se déroule à Gignac, dans le Lot, à proximité de la Dordogne et de la Corrèze. Le village compte 680 habitants et accueille environ 40 000 personnes pendant le festival. L’initiative en revient à quelques jeunes, dont je faisais partie. Nous avions intégré le comité des fêtes du village avant de monter notre propre structure associative. Le festival a évolué peu à peu, s’est professionnalisé et s’est développé. Musicalement, il couvre tout le spectre des musiques actuelles, du rock à l’électro en passant par la pop, le jazz ou le hip-hop. L’équipe permanente se compose maintenant de quatre salariés à temps plein et l’organisation du festival nécessite le concours de 560 bénévoles.
Leyla Koob : Initialement appelé Fiesta Latina, Fiest’A Sète – dont la création date de 1997 – s’est d’abord focalisé sur les musiques latines avant d’élargir son spectre à l’ensemble des musiques du monde. Ancré à Sète, avec le Théâtre de la mer comme principal port d’attache, le festival navigue par ailleurs autour du bassin de Thau. Il se déroule en deux phases distinctes : une semaine de concerts gratuits, de projections de films, de conférences et d’ateliers dans différents quartiers de Sète et les communes autour du bassin de Thau puis une semaine de concerts payants au Théâtre de la mer. Le festival est organisé par l’association Métisète, qui comprend une quinzaine de bénévoles – dont José Bel, créateur et directeur du festival – et emploie deux permanentes à l’année. Nous faisons appel à des professionnels (graphiste, webmaster, etc.) ponctuellement et nous avons une équipe d’une quinzaine de saisonniers le temps du festival.
Muriel Palacio : Apparu en 2019, Ex Tenebris Lux met en lumière des esthétiques dites divergentes ou extrêmes : tous les spectres du metal, l’industriel, le hardcore, le gothique, le punk et les ovnis que nous affectionnons particulièrement. Multiculturel et transversal, le festival rassemble des groupes, des peintres, des illustrateurs, des photographes, des performeurs… A partir de 2022, il va également accueillir un Dark Market autour des sciences et arts dits occultes. Il se déroule tout au long du mois d’octobre à – et autour de – Montpellier, principalement dans des lieux atypiques : églises, monuments historiques, friches… L’initiative en revient à l’association What The Fest ?!, qui se compose entièrement de bénévoles, passionnés, tous issus du milieu culturel. Ensemble, nous œuvrons à élaborer des utopies diverses au sein de ce laboratoire improbable (sourire).
Quels sont vos grands principes directeurs ?
Selon nous, les musiques du monde n’ont jamais eu autant de sens et d’importance pour toutes les valeurs indispensables qu’elles véhiculent pour notre société.
- Leyla Koob, Métisète – festival Fiest’A Sète
Nous cherchons à inciter à la découverte dans le cadre de soirées au contenu hétérogène, sans esprit de chapelle.
- Muriel Palacio, What The Fest ?! – festival Ex Tenebris Lux
Samuel Aubert : Les Siestes ont pour particularité fondatrice d’être un événement gratuit, diurne et en plein air – dans l’espace public. Il y a déjà eu des soirées payantes en intérieur par le passé, lors de certaines éditions, et il y en aura sans doute encore d’autres à l’avenir mais la gratuité et le libre accès au site diurne, sans filtrage ni contrôle, constitue vraiment la spécificité du festival. Suite aux attentats de 2015 et à la pandémie de Covid-19, cette liberté d’accès devient de plus en plus difficile à maintenir… Nous parvenons à l’équilibre économique grâce aux subventions et aux ressources générées par le bar. Toujours sur le plan matériel, nous avons posé comme double principe de consacrer au moins 25 % du budget du festival à la rémunération des artistes, qui sont sa raison d’être, et de limiter au maximum l’écart entre les cachets des artistes.
Benoît Chastanet : Notre objectif est de parvenir à attirer un large public, sachant que nous nous trouvons en milieu rural, sur la zone à la plus faible densité de population du grand sud-ouest, avec la moyenne d’âge la plus élevée. Nous essayons ainsi de concevoir une programmation accrocheuse, dans des esthétiques diverses, l’idée étant vraiment de proposer un événement à la fois fédérateur et festif. Nous avons donc un certain nombre de grandes têtes d’affiche mais nous accordons une place importante à l’émergence et au développement, avec une attention particulière à la scène locale. Nous appliquons des tarifs attractifs, inférieurs à ceux des festivals commerciaux. Par ailleurs, nous nous attachons à limiter au maximum l’impact du festival sur l’environnement, par exemple en ayant installé très tôt des toilettes sèches en auto gestion ou en mettant à disposition des gobelets réutilisables, non siglés.
Leyla Koob : Selon nous, les musiques du monde n’ont jamais eu autant de sens et d’importance pour toutes les valeurs indispensables qu’elles véhiculent pour notre société. Fiest’A Sète se fonde vraiment sur l’envie d’explorer toutes les cultures du monde et – plus encore – sur l’envie de partager nos découvertes de la scène émergente (internationale, nationale ou régionale). Nous construisons notre ligne artistique en suivant des axes thématiques et/ou géographiques : tout mélanger sans distinction ne nous intéresse pas. Depuis le début, le festival se démarque par ailleurs en conférant une place importante aux arts plastiques. Chaque année, des expositions figurent au programme et une affiche originale est conçue par un artiste. Sur le plan matériel, nous avons choisi non seulement d’organiser des concerts gratuits mais également de proposer des tarifs raisonnables pour les concerts payants. Nous parvenons ainsi à toucher un très large public, ce qui constitue un objectif essentiel de notre action.
Muriel Palacio : L’idée-phare consiste à mélanger les genres, les publics, les esthétiques, en privilégiant des artistes encore peu connus ou repérés (locaux, nationaux, ou internationaux) et en présentant des formes hybrides engagées, à rebours du mainstream. Nous cherchons à inciter à la découverte dans le cadre de soirées au contenu hétérogène, sans esprit de chapelle, et nous pratiquons des tarifs abordables – voire la gratuité – en particulier pour les personnes à faibles revenus.
En quoi consistent vos activités en dehors du festival ?
En dehors de la musique, notre association s’engage aussi sur le front de l’éco-citoyenneté. Elle est vouée statutairement à promouvoir les thèmes du développement durable et de la solidarité entre les peuples.
- Benoît Chastanet, festival Ecaussystème
Nous mettons à disposition gratuitement notre local sétois, assez spacieux et très bien placé, pour y accueillir des expositions à intervalles réguliers – tous les trois mois, sauf en période de pandémie… Le plus souvent, il s’agit d’artistes locaux ou régionaux que nous souhaitons faire découvrir.
- Leyla Koob, Métisète – festival Fiest’A Sète
Samuel Aubert : Nous n’organisons pas de concerts le reste de l’année car nous pensons que les festivals, ayant des temporalités et finalités spécifiques, ne doivent pas se substituer aux salles de concert. Depuis 2012, nous publions la revue biannuelle Audimat et, début 2021, nous avons lancé une maison d’édition éponyme, les deux étant dédiées à des textes sur la musique. Ces initiatives éditoriales et le festival s’inscrivent dans un même projet global dont le but consiste à explorer le champ de la création musicale. Par ailleurs, en réaction à la pandémie, nous avons initié un système d’accompagnement d’artistes. En 2021, nous avons ainsi accompagné trois artistes à plusieurs niveaux : financier (en les salariant tous les mois), administratif, juridique ou encore psychologique. Nous aimerions poursuivre ce système d’accompagnement au-delà de la pandémie, sous une forme qu’il nous faut encore préciser.
Benoît Chastanet : Nous avons mis en place à l’année un tremplin de découvertes, dont les lauréats jouent en première partie de têtes d’affiche lors du festival. En dehors de la musique, notre association s’engage aussi sur le front de l’éco-citoyenneté. Elle est vouée statutairement à promouvoir les thèmes du développement durable et de la solidarité entre les peuples – d’où le nom de l’association, Ecaussystème, qui joue aussi avec le nom de la région des Causses du Quercy. Nous menons diverses initiatives, culturelles et/ou citoyennes, sur un ensemble de 77 communes de l’intercommunalité : concerts, projections, conférences, actions auprès des scolaires…
Leyla Koob : Nous menons une action culturelle en continu avec des rendez-vous ponctuels tout au long de l’année. Il a pu nous arriver d’organiser quelques concerts hors festival mais cela reste occasionnel. En revanche, nous mettons à disposition gratuitement notre local sétois, assez spacieux et très bien placé, pour y accueillir des expositions à intervalles réguliers – tous les trois mois, sauf en période de pandémie… Le plus souvent, il s’agit d’artistes locaux ou régionaux que nous souhaitons faire découvrir. Cette activité s’est bien développée et suscite une vraie curiosité. Nous organisons aussi des tchatches musicales (des rencontres/discussions informelles, animées par des professionnels, sur des sujets divers liés au festival), des projections de films autour de la musique et – depuis quatre ans, au printemps – un festival de cinéma consacré à une thématique spécifique en gardant toujours une connexion avec la musique.
Muriel Palacio : Nous organisons des événements tout au long de l’année, dans des esthétiques proches, suivant plusieurs catégories : les « Folles Soirées », « Je hais les Dimanches » « Prestige » « Festivals ». Par exemple, début 2022 nous allons accueillir dans une église un concert du musicien expérimental néerlandais Jozef van Wissem, connu notamment pour avoir composé la BO du film de Jim Jarmusch Only Lovers Left Alive. A cette occasion, il va également animer une masterclass en anglais sur l’écriture de musique de film. Par ailleurs, nous proposons également depuis 2016 un autre festival, dénommé WHAT THE FEST ?. Se déroulant en été, en plein air, il s’inscrit dans une dynamique plus écocitoyenne avec une programmation musicale éclectique à forte coloration festive, des spectacles de rue, un village et des initiatives citoyennes. L’édition 2022 devrait se dérouler à Villeneuve-lès-Maguelonne, près de Montpellier.
Comment envisagez-vous l’avenir à court ou moyen terme ?
Après nous être engagés, un peu naïvement sans doute, sur la voie de la mondialisation culturelle, pensant qu’il pouvait s’agir d’une forme positive de mondialisation, nous avons pris conscience progressivement que nous faisions fausse route et nous cherchons à réorienter le festival autrement.
- Samuel Aubert, Rotation – festival Les Siestes
Dès le début, nous avons souhaité maîtriser pleinement l’outil festival, en particulier tout ce qui concerne le foncier.
- Benoît Chastanet, festival Ecaussystème
Si nous voulons continuer de gagner en ampleur et ne pas nous épuiser, nous devons obtenir davantage de reconnaissance et de soutien des institutions.
- Muriel Palacio, What The Fest ?! – festival Ex Tenebris Lux
Samuel Aubert : Nos partenaires publics, qui sont nos principaux financeurs, ne nous laissent actuellement pas espérer de grandes perspectives de développement… Ceci étant, nous voulons repenser notre raison d’être et nos manières de faire durant les années qui viennent. Au début, nous tenions à inviter en priorité des artistes qui ne seraient pas venus en Occitanie, ni même en France, sans cela. Nous ne cherchions pas à obtenir une quelconque exclusivité mais nous souhaitions seulement permettre à notre public d’avoir accès à ces artistes. Certains venaient parfois de très loin, en faisant juste un aller/retour… Il est évident qu’un tel parti pris n’est plus concevable aujourd’hui pour diverses raisons, notamment écologiques. Après nous être engagés, un peu naïvement sans doute, sur la voie de la mondialisation culturelle, pensant qu’il pouvait s’agir d’une forme positive de mondialisation, nous avons pris conscience progressivement que nous faisions fausse route et nous cherchons à réorienter le festival autrement. L’ADN des Siestes (événement gratuit, diurne, en plein air) va rester mais la programmation va évoluer. Je continue à assurer le pilotage général du festival mais une autre personne va se charger de la direction artistique à partir de janvier 2022.
Benoît Chastanet : Dès le début, nous avons souhaité maîtriser pleinement l’outil festival, en particulier tout ce qui concerne le foncier. Nous sommes propriétaires des terrains sur lesquels sont organisés nos événements. Nous avons réalisé tous les aménagements, notamment les réseaux (électricité, eau, assainissement, internet), en les pensant de façon à ce qu’ils aient le moins possible d’impact sur l’environnement naturel de la commune. Nous faisons en sorte également d’économiser les énergies de nos bénévoles. Chaque année, nous approfondissons un peu plus notre démarche et nous voulons continuer d’avancer dans ce sens. En 2022, pour la 20ème édition, nous allons marquer le coup en mettant spécialement l’accent sur l’accueil du public.
Leyla Koob : C’est particulièrement difficile de se projeter vers l’avenir dans le contexte actuel. Il faut avancer pas à pas et composer avec l’évolution de la situation sanitaire. Nous savons bien maintenant que le Covid-19 ne va pas disparaître du jour au lendemain… Cela complique fatalement les choses au niveau de la programmation ainsi qu’au niveau du déplacement des artistes et des publics. L’édition 2021 de Fiest’A Sète a pu se dérouler avec des jauges limitées pour certains lieux, sans les concerts gratuits qui donnent au festival la dimension d’une grande fête populaire. En 2022, nous espérons vraiment réussir à maintenir notre identité internationale et pouvoir de nouveau proposer des concerts gratuits, très rassembleurs, mais nous allons aussi imaginer des formats de concerts intimistes, à l’instar des siestes musicales proposées en 2021.
Muriel Palacio : En peu de temps, Ex Tenebris Lux s’est déjà bien implanté dans le paysage des festivals et nous sommes de plus en plus sollicités, y compris pour des artistes à la notoriété plus importante. Nous avons multiplié les partenariats avec les salles locales (le Kiasma, le théâtre de Lattes, Victoire 2, le Rockstore, le Black Sheep…), les municipalités, les autres producteurs de festivals locaux, les têtes de réseaux (y compris le Hellfest) et des entrepreneurs. En 2021, nous avons fait sold-out sur presque toutes les dates et pourtant nous arrivons à peine à l’équilibre financier… Pour 2022, nous avons choisi d’embaucher une personne qui va intervenir en aide à la production. Cela représente un coût non négligeable pour la structure mais c’est indispensable en termes de moyens humains… Si nous voulons continuer de gagner en ampleur et ne pas nous épuiser, nous devons obtenir davantage de reconnaissance et de soutien des institutions – ce qui semble impliquer de mettre l’accent sur le volet de la médiation culturelle dans notre panel d’activités. Nous aimerions aussi arriver à mettre en place au moins un véritable partenariat en communication avec la métropole de Montpellier afin d’obtenir plus de visibilité.
Quel rôle vous semblent devoir jouer les collectivités territoriales et l’État vis-à-vis des festivals indépendants ?
Selon moi, les subventions devraient aller prioritairement aux festivals associatifs à but non lucratif, plutôt qu’à d’autres, qui cherchent à rémunérer leurs actionnaires plutôt qu’à faire de la médiation culturelle. Les deux modèles doivent pouvoir coexister.
- Benoît Chastanet, festival Ecaussystème
Un positionnement plus engagé des pouvoirs publics sur les festivals indépendants les plus fragiles, qui participent à la diversité et à la richesse de l’offre culturelle sur un territoire, serait encourageant et rassurant pour l’avenir.
- Leyla Koob, Métisète – festival Fiest’A Sète
A quel point le format du festival, apparu au cours du XXe siècle, est-il encore adapté au XXIe siècle ? Si on ne trouve pas de raisons valables de le maintenir, mieux vaut le supprimer.
- Samuel Aubert, Rotation – festival Les Siestes
Samuel Aubert : Les collectivités territoriales et l’État peuvent toujours apporter davantage de soutien financier mais je crois que tous les acteurs concernés doivent d’abord s’interroger sur la raison d’être des festivals dans le monde actuel. A quel point le format du festival, apparu au cours du XXe siècle, est-il encore adapté au XXIe siècle ? Si on ne trouve pas de raisons valables de le maintenir, mieux vaut le supprimer.
Benoît Chastanet : Entouré de plusieurs gros festivals privatisés qui battent pavillon Vivendi, notre festival s’apparente un peu au petit village gaulois résistant vaillamment contre les Romains. Vivendi a récemment dédoublé les jauges de ses festivals, la concurrence se fait de plus en plus rude. Continuer d’exister dans ce contexte devient très compliqué pour un festival associatif, autofinancé à 80 %, comme le nôtre. Il faut parvenir à se différencier au niveau de la programmation et de l’accueil. S’agissant des collectivités et de l’État, il faut bien souligner qu’un fort soutien a été apporté aux festivals à l’occasion de la pandémie de Covid-19. Cela nous a encouragé à faire une édition en 2021, chose qui n’était pourtant pas simple… Toutefois, le soutien financier des pouvoirs publics devrait sans doute être mieux réparti. Selon moi, les subventions devraient aller prioritairement aux festivals associatifs à but non lucratif, plutôt qu’à d’autres, qui cherchent à rémunérer leurs actionnaires plutôt qu’à faire de la médiation culturelle. Les deux modèles doivent pouvoir coexister, en donnant aux festivals associatifs les moyens nécessaires pour agir et grandir.
Leyla Koob : Je pense que les collectivités et l’État doivent accompagner et protéger au maximum les festivals indépendants. Soyons justes : il y a eu un réel soutien de leur part durant la pandémie. Reste à voir si – et comment – ce soutien va perdurer dans les prochaines années, d’autant que la nécessité de repenser les formats et les conditions d’accueil des concerts, de s’impliquer plus encore dans des projets liés au développement durable et de faire face à la surenchère des cachets artistiques vont nécessiter des moyens financiers. En outre, il va falloir faire preuve d’une extrême vigilance quant à l’équilibre entre les festivals indépendants et les festivals commerciaux. Les deux modèles doivent pouvoir continuer de coexister. Ce qui me semble problématique actuellement, c’est parfois le manque de vision globale en matière de politique culturelle. Un positionnement plus engagé des pouvoirs publics sur les festivals indépendants les plus fragiles, qui participent à la diversité et à la richesse de l’offre culturelle sur un territoire, serait encourageant et rassurant pour l’avenir.
Muriel Palacio : Actuellement, je trouve que les festivals de grande envergure sont beaucoup trop favorisés. Ils sont devenus des faire-valoir de représentation politique alors que ce sont de véritables « industries culturelles » avec une logique purement événementielle. Je trouve tout simplement aberrant que les institutions publiques fassent primer cette logique au détriment d’une vraie exigence artistique. La qualité ou l’originalité de la programmation d’un festival n’apparaît plus un critère décisif, au contraire – ce qui tend aussi à une uniformisation des programmations… Selon moi, il faudrait accorder une attention et un soutien nettement plus affirmés aux petits festivals indépendants qui doivent fonctionner avec des budgets (très) réduits et évoluent toujours sur la corde raide.