Entretiens avec
- Nathalie Marty, Sirventés,
- Franck Tanneau, 11bouge,
réalisés par Jérôme Provençal, journaliste indépendant, dans le cadre de notre dossier « LE CONTRAT DE FILIÈRE : BILAN ET PERSPECTIVES EN OCCITANIE ».
Votre structure compte parmi celles qui ont bénéficié du Contrat de Filière Musiques Actuelles en Occitanie. Qu’avez-vous pu mettre en œuvre ou développer dans le cadre de ce processus ?
Nathalie Marty : Sirventés a accédé à deux dispositifs différents à l’intérieur du Contrat de Filière. Nous avons d’abord postulé, fin 2020, pour le dispositif d’aide à la structuration des entreprises de production indépendantes en musiques actuelles. Notre candidature se fondait sur deux axes principaux : renforcer notre pôle communication – avec la pérennisation du poste de chargé.e de communication – et retravailler en profondeur l’image de la structure. Après la première période de la pandémie, très éprouvante, c’était essentiel pour nous d’obtenir une aide supplémentaire sur toute la partie communication afin de parvenir à relancer au mieux notre activité. Le dossier ayant été accepté, nous avons pu atteindre nos objectifs, notamment embaucher une nouvelle chargée de communication et entreprendre la refonte du site internet (toujours en cours). Ensuite, fin 2021, nous avons déposé une demande pour le dispositif de soutien à la programmation et à la diffusion en milieu rural – avec succès, de nouveau. Cela nous a donné les moyens de présenter une saison musicale à Sévérac-d’Aveyron de février à fin mai 2022, comprenant au total sept événements, organisés dans un café – La Cosinada (La Cousinade) – qui se trouve juste à côté de nos bureaux et qui s’y prête parfaitement. Le dernier rendez-vous, le 20 mai, va se terminer par un grand bal festif.
Franck Tanneau : 11 Bouge mène un projet de diffusion culturelle en itinérance sur tout le territoire de l’agglomération de Carcassonne avec un réseau d’une vingtaine de lieux (salles de spectacle, MJC, médiathèques…). Nous proposons environ 25 concerts sur une saison, de septembre à juin. Dans le cadre du Contrat de Filière, nous avons obtenu le dispositif d’aide à la programmation et à la diffusion en milieu rural sur la période 2018-2022. Cela nous a permis d’équiper des lieux non dédiés, notamment des parcs ou des abbayes, pour y organiser des concerts. Contribuant à valoriser le patrimoine, ces événements ponctuels amènent à toucher un public n’ayant pas facilement accès à une offre culturelle – pour des raisons à la fois géographiques et économiques. En tant qu’acteurs culturels, nous devons remplir cette mission d’éducation populaire qui consiste à investir des territoires en déshérence pour y apporter des spectacles ou des concerts, avec toutes les valeurs que cela implique.
Quel bilan tirez-vous de l’expérience ?
Réaliser cette action nous conforte dans l’idée qu’elle est nécessaire. J’espère vraiment que nous allons pouvoir la prolonger.
- Nathalie Marty, Sireventés
Un soutien tel que celui apporté via le dispositif du Contrat de Filière permet de compenser les surcoûts de production et de proposer des tarifs abordables.
- Franck Tanneau, 11bouge
Nathalie Marty : Le dispositif d’aide à la structuration nous a apporté un vrai soulagement dans le contexte assez inquiétant de la pandémie et nous a permis de continuer à travailler sereinement, en sécurité sur le plan matériel. Quant au dispositif d’aide à la programmation/diffusion, il a contribué à la mise en place de rencontres au niveau local avec des artistes qui font partie de Sirventés et aussi d’autres artistes, chantant en occitan ou en d’autres langues, dont les pratiques coïncident avec notre démarche. Très importante à nos yeux, une telle initiative nous amène à partager localement le travail que nous effectuons et à tisser des liens plus étroits avec le public. De plus, elle contribue à enrichir l’offre culturelle sur un territoire peu fourni en la matière. Réaliser cette action nous conforte dans l’idée qu’elle est nécessaire. J’espère vraiment que nous allons pouvoir la prolonger.
Franck Tanneau : L’Aude est l’un des départements les plus pauvres de France, avec beaucoup d’emplois précaires et 20 à 30 % de bénéficiaires du RSA sur certaines zones. Un soutien tel que celui apporté via le dispositif du Contrat de Filière permet de compenser les surcoûts de production et de proposer des tarifs abordables – 7 ou 8€ en moyenne par concert. Néanmoins, cette aide financière reste limitée et correspond seulement à une toute petite partie de notre budget. Nous recevons maintenant beaucoup de demandes d’intervention. Cela montre que le dispositif fonctionne et qu’il est bien repéré mais il nous faudrait davantage de moyens pour pouvoir répondre favorablement à toutes ces demandes.
De votre point de vue, que devrait viser en priorité le prochain Contrat de Filière Musiques Actuelles ?
il m’apparaît indispensable de soutenir les acteurs qui accomplissent un travail de fond avec les publics de leur territoire, qui œuvrent pour créer du lien social et qui font des droits culturels un préalable à tout projet.
- Nathalie Marty, Sireventés
Des endroits semblent presque abandonnés, en milieu rural comme en milieu urbain, dans certains quartiers. Des dispositifs comme le Contrat de Filière doivent mieux prendre en compte les spécificités territoriales et tendre vers un meilleur équilibre sur l’ensemble de la région.
- Franck Tanneau, 11bouge
Nathalie Marty : Nous avons pleinement mesuré la pertinence et l’efficacité des dispositifs du Contrat de Filière 2018-2022. Par conséquent, je pense que toutes les actions engagées dans le cadre de ces dispositifs/appels à projets devraient pouvoir être pérennisées. De manière générale, il m’apparaît indispensable de soutenir les acteurs qui accomplissent un travail de fond avec les publics de leur territoire, qui œuvrent pour créer du lien social et qui font des droits culturels un préalable à tout projet.
Franck Tanneau : De manière générale, s’agissant des programmes territoriaux de soutiens financiers, je trouve que la question de la précarité économique devrait être vraiment plus prise en considération. Selon moi, il faut toujours se demander si ce que l’on propose est accessible au plus grand nombre. A cet égard, dans les critères d’attribution, un distinguo devrait être effectué entre les structures proposant des tarifs élevés et celles proposant des tarifs modérés. Par ailleurs, partagée entre de grandes agglomérations urbaines et des zones rurales nettement moins peuplées, l’Occitanie offre un paysage très contrasté au niveau de l’offre culturelle. Des endroits semblent presque abandonnés, en milieu rural comme en milieu urbain, dans certains quartiers. Des dispositifs comme le Contrat de Filière doivent mieux prendre en compte les spécificités territoriales et tendre vers un meilleur équilibre sur l’ensemble de la région.