Entretien avec Julie Luga, Direction et programmation de Bajo el Mar, réalisé par Jérôme Provençal, journaliste indépendant, dans le cadre de notre dossier « LA FORMATION PROFESSIONNELLE, UN ATOUT POUR LA CULTURE EN OCCITANIE ».
Pouvez-vous présenter votre structure ?
Bajo el Mar – qui fête ses dix ans d’existence en 2021 – est une agence de développement culturel opérant sur un champ d’activité très large. A la base, nous sommes producteurs et diffuseurs de musiques actuelles. Nous produisons de multiples événements : concerts, festivals et autres. Depuis 2016, nous gérons Le Phare, un pôle structurant de musiques actuelles sur la métropole de Toulouse, qui offre de nombreuses possibilités – concerts, résidences, ressources, tremplins artistiques… Par ailleurs, nous agissons beaucoup sur le terrain de la médiation culturelle, avec des publics très variés, notamment des scolaires et des personnes sous main de justice. Nous développons aussi des projets très spécifiques à destination des malentendants, en produisant des spectacles qui réunissent des entendants et des malentendants à la fois sur scène et dans le public. Le développement d’artistes constitue une autre part importante de notre action. Ce travail s’accomplit en particulier via le dispositif d’accompagnement La Capsule, qui permet de construire un parcours individuel, adapté aux besoins de chaque artiste, sur une longue durée jusqu’à la professionnalisation. Enfin, nous élaborons également des projets hybrides, entre social et culturel, par exemple dans le cadre de dispositifs anti-radicalisation. De manière générale, nous appréhendons le médium culturel comme une ouverture vers le monde.
Comment la formation professionnelle s’y inscrit-elle ? En quoi la réforme récente, initiée en 2018, change-t-elle la donne ?
Depuis ses débuts, Bajo el Mar s’attache à promouvoir des façons différentes et innovantes de soutenir le spectacle vivant, avec le concept d’accompagnement au cœur de notre engagement. La formation professionnelle traverse ainsi naturellement l’ensemble de notre activité. Telle que nous la concevons, la formation est un processus foncièrement (inter)actif qui, à travers la transmission d’expériences et de compétences, vise avant tout à permettre à chaque personne de découvrir son potentiel créateur et de le développer au mieux. Un véritable apprentissage sur le terrain, in vivo, qui inscrit l’artiste au cœur de son environnement. Pour le moment, la réforme n’a pas d’impact notable sur notre structure mais, à terme, je crains qu’elle n’amenuise notre capacité d’action dans le domaine de la formation.
De quelle manière la formation professionnelle se montre-t-elle utile dans la sphère des musiques actuelles ?
La formation me semble une notion essentielle dans les musiques actuelles. D’ailleurs, on parle aussi d’un groupe comme d’une formation : cela suggère bien l’idée d’un apprentissage en commun dans l’acte de création musicale. Bajo el Mar propose des formations à l’image des musiques actuelles, c’est-à-dire plurielles, tout en amenant les artistes à trouver et exprimer leur singularité. Nous chapeautons en particulier le réseau Hip-hop Occitanie qui, au-delà de son rôle de représentation, a comme principal objectif d’accompagner les adhérents et de favoriser la coopération entre eux afin de susciter des initiatives de co-formation à l’image des échanges de bonnes pratiques.
Qu’apporte la formation professionnelle au niveau des territoires ?
La formation professionnelle a trop souvent été localisée sur les grandes villes, ce qui me paraît très dommageable. Il faudrait diversifier davantage son champ d’action et permettre en parallèle aux structures formatrices d’expérimenter d’autres modules de formation, plus ouverts et plus souples – par exemple en collaborant avec des événements régionaux de grande ampleur.
Comment envisagez-vous l’avenir de la formation professionnelle ?
Selon moi, la formation professionnelle – dans le domaine de la culture, en tout cas – n’a d’intérêt que si elle donne à chaque personne les moyens de créer et de développer ses compétences tout au long de son parcours. A cet égard, la reconnaissance de la formation de terrain m’apparaît vraiment primordiale. Il faut imaginer et mettre en place d’autres voies de formation, en marge des schémas institutionnels habituels (trop rigides), avec l’idée directrice sous-jacente d’un développement intellectuel en continu. Il ne s’agit pas seulement d’acquérir un bon ensemble de compétences mais d’œuvrer à découvrir nos potentiels créatifs par la formation expérientielle, la co-formation et la formation par la création.