Rendue publique le 25 février dernier, l’étude annuelle du Syndicat National de l’Edition Phonographique (SNEP) révèle une croissance de 5,4% du marché de la musique enregistrée en France en 2019 – ce qui représente 625 millions d’euros de ventes (physiques et numériques) et un chiffre d’affaires global de 772,5 millions d’euros. La tendance à la hausse observée depuis 2015 se confirme ainsi et même s’accentue nettement, le marché retrouvant à peu près son niveau de 2010 (628 millions d’euros de ventes) mais restant encore très loin de son niveau de 2002 (1,4 milliard d’euros de ventes).
Si on examine en détail les statistiques de 2019, on constate que le streaming représente 59% du chiffre d’affaires global, le nombre des abonnés à un service payant s’élevant à 7,2 millions – 9,4 millions si on compte les offres familles. Quant aux supports physiques, malgré un léger fléchissement par rapport à 2018, ils gardent une place importante avec 37% du chiffre d’affaire global.
Le CD reste la seconde source de revenus du marché derrière le streaming tandis que le vinyle poursuit sa belle courbe ascendante avec 4,1 millions de galettes écoulées en 2019 (contre 0,9 million en 2015). Après avoir été donné pour mort par l’industrie musicale, le vinyle retrouve ainsi tout son lustre et conquiert un nouveau public, séduit par l’objet autant que par la qualité du son.
Dédiés avec passion aux supports physiques de la musique en général et aux vinyles en particulier, les disquaires indépendants participent activement à la dynamique positive observée en France ces dernières années et en bénéficient également en retour.
Au début des années 1980, il y avait environ 2800 disquaires indépendants sur l’ensemble du pays. En 2010, après des années de baisse régulière, ils n’étaient plus que 200, la crise du disque ayant déclenché une avalanche de fermetures. On en dénombre aujourd’hui plus de 350, Toulouse étant la deuxième ville de France la mieux lotie (après Paris, bien sûr). Au total, l’Occitanie en abrite une trentaine, dont un tout récent : Disc’Hutte, ouvert début juin à Lavaur.
Si le contexte actuel est plutôt encourageant, la situation économique des disquaires indépendants demeure pourtant fragile, comme le montre une vaste étude du Ministère de la Culture et de la Communication publiée en 2017. Nombre d’entre eux doivent ainsi diversifier leurs activités (vente/réparation de matériel hi-fi, librairie, produits dérivés, label, café/restauration…) pour atteindre la rentabilité.
Organisme de référence au niveau national, le Club Action des Labels et des Disquaires Indépendants Français (CALIF) – créé en 2002 et subventionné par le Ministère de la Culture – administre diverses aides financières et logistiques à destination des disquaires indépendants, notamment des aides au loyer. En outre, il organise depuis 2011 le Disquaire Day. Equivalent français du Record Store Day américain (lancé en 2008), cet événement – à l’occasion duquel sont édités ou réédités spécialement de nombreux disques en vinyle – apporte aux disquaires participants une importante exposition médiatique et une substantielle plus-value économique.
Initialement prévu le 18 avril, le Disquaire Day 2020, 10ème du nom, a dû être reporté suite au confinement strict imposé en France du 14 mars au 11 mai pour endiguer la pandémie du nouveau coronavirus. Compte tenu des contraintes sanitaires en vigueur, il va se déployer en quatre rendez-vous distincts : le 20 juin, le 29 août, le 26 septembre et le 24 octobre – à chaque rendez-vous correspondant une sélection de sorties exclusives.
Partenaire des Disquaires Days en Occitanie depuis plusieurs années, Octopus s’investit par ailleurs dans diverses actions en faveur des disquaires indépendants.
En synergie avec le CALIF, la fédération mène ainsi des démarches auprès des collectivités territoriales pour obtenir l’exonération de la Contribution Foncière des Entreprises (CFE). Depuis la réforme du Code général des impôts impulsée en 2016 par Audrey Azoulay, alors ministre de la Culture et de la Communication, les disquaires indépendants peuvent en effet bénéficier de cette exonération mais les agglomérations de Toulouse et de Montpellier leur refusent pour le moment. Mais bonne nouvelle, Toulouse Métropole travaillerait activement, avec le concours de la Région Occitanie, à la création d’un fonds d’aide direct aux disquaires indépendants, en réponse à cette situation.
De plus, dans le cadre du contrat de filière Occitanie, le CALIF développe actuellement un dispositif expérimental à destination des disquaires indépendants. Ce dispositif comprend deux volets : primo, la réalisation d’une carte (physique et numérique) répertoriant les disquaires des principales villes d’Occitanie ; secundo, l’attribution d’une aide aux showcases organisés chez les disquaires.
Acteurs indispensables de la vie musicale, en contact direct avec les mélomanes, les disquaires indépendants contribuent plus largement à la diversité de l’offre culturelle et représentent une alternative essentielle, à taille humaine, face aux grands magasins spécialisés et aux géants du commerce en ligne. Dans une période de grande incertitude, marquée par une forte récession économique consécutive à la pandémie, il apparaît plus que jamais impératif de les soutenir.
Jérôme Provençal
Journaliste indépendant (Les Inrocks, Politis, Ramdam…)